PL Cloutier

Je ne vous montrerai pas mes boules

Surement que si je vous montrais mes boules sur Instagram, ma crevette, ma bobette ou ma craque, ça buzzerait.

On en parlerait partout, je gagnerais de la sympathie, on saluerait mon audace, ma candeur, ma beauté, mon authenticité, ma simplicité. 

Je prônerais l’acceptation de soi, la diversité corporelle, l’affranchissement de son corps. C’est mon corps, il m’appartient de choisir à qui je le dévoile, et je décide de le montrer à tous!

Mais des boules, j’en ai pas, pis même si j’en avais, j’aurais pas envie de vous les montrer. C’est un jeu qui me tente pas du tout et je ressens la pression de devoir y participer malgré tout, dans cet univers aux limites du soft porn.

Je suis certain que je suis pas le seul qui a envie de conserver sa pudeur sur les médias sociaux, mais qui ressent le stresse de devoir abandonner son intimité pour l’offrir aux algorithmes.

Je lisais un article sur Elle Québec qui racontait que la clé du succès sur les médias sociaux, ce n’était plus d’être authentique, c’était maintenant d’être tellement authentique, tellement vrai, tellement nu, qu’on devenait vulnérable.

Wôô!

Déjà que depuis des années, je trouvais que je vivais mes émotions dans un vestiaire vitré, il faudrait que je vous amène aux toilettes avec moi? Sorry, mais ça, j’ai pas envie.

J’ai pas envie de me déposséder.

Mon feed est en train de devenir un cirque

Franchement, on dirait que mon feed est en train de devenir un spectacle sans fin. Qui va être le prochain à s’exhiber pour montrer la diversité corporelle, en forçant son intimité dans le regard de tous ceux qui ont scrollé jusque là, sans rien demander. C’est comme si on devait toujours en faire plus pour attirer l’attention et ramasser les views.

C’est qui le prochain qui va péter de la couleur pour annoncer le sexe de son bébé? C’est qui le prochain qui prendra la pose sans trop de vêtements pour afficher sa vulnérabilité et sa plus totale transparence?

Je suis rendu à me désabonner de plusieurs personnes qui sont parmi mes meilleurs amis car je gère mal cette intrusion forcée dans leur intimité.

J’ai l’impression de voir mes parents faire l’amour, une story à la fois. J’ai pas le goût de voir ça, et ça arrive à coup de 5000 likes.

Au final, même si je vous montrais mes boules, ça mènerait à quoi?

Au final, probablement que jouer la grande vulnérabilité propulserait mes plateformes, me ferait gagner des abonnés, et je serais à nouveau mis de l’avant dans votre fil. Ce serait bon pour mon égo, je me sentirais populaire, et ultimement, ça amènerait des opportunités professionnelles et publicitaires. Wouhou, du gros cash! 

Ça fera un temps, on se tannera, et on ira vers les nouvelles boules pour lesquelles tout le monde craque.

Faire partie de la parade ou la regarder

C’est comme la croisée des chemins. Je sais plus si la parade m’attire assez pour continuer d’en faire partie, ou même de la regarder.

C’est certainement pas moi qui va aller dire aux autres quoi publier, quoi montrer, quoi cacher. Chacun peut décider pour soi-même et je détesterais qu’on rhabille quelqu’un qui a envie d’être léger et s’afficher comme il le souhaite. Chacun ses choix, chacun son feed.

Mais je suis blasé. J’ai l’impression que je les ai toutes vues les paires de boules, le corps diversifiés, les témoignages inspirants et sans pudeur qui décrochent la sympathie. On les voit venir les #pub en stories confiés à quiconque a suffisamment dénudé son âme pour récolter des abonnés. 

Je sais pas si j’ai envie de nourrir cette impression qu’on n’a pas le droit de converser son intimité et de cultiver un jardin secret pour y protéger ses vraies vulnérabilités.

J’ai envie croire que c’est autorisé de garder ses imperfections parfaitement cachés, et s’enlever de la tête l’impression qu’on doit tous montrer nos boules sur Instagram.